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L'IA, moteur de progrès ou illusion technologique ?

Et si la révolution de l'intelligence artificielle n'était pas aussi rose qu'on nous la présente ? Alors que l’intelligence artificielle (IA) s’impose comme une technologie incontournable, capable de transformer des pans entiers de l’économie et de la société, une question demeure : est-elle réellement le catalyseur d’une nouvelle ère de prospérité ou cache-t-elle des réalités plus complexes ? Les experts divergent sur son impact à long terme, oscillant entre enthousiasme et prudence. À travers une analyse approfondie, découvrons comment l’IA peut être à la fois une opportunité et un défi pour les entreprises et les travailleurs.
L'IA, moteur de progrès ou illusion technologique ?

Et si la révolution de l'intelligence artificielle n'était pas aussi rose qu'on nous la présente ?

Alors que l’intelligence artificielle (IA) s’impose comme une technologie incontournable, capable de transformer des pans entiers de l’économie et de la société, une question demeure : est-elle réellement le catalyseur d’une nouvelle ère de prospérité ou cache-t-elle des réalités plus complexes ? Les experts divergent sur son impact à long terme, oscillant entre enthousiasme et prudence. À travers une analyse approfondie, découvrons comment l’IA peut être à la fois une opportunité et un défi pour les entreprises et les travailleurs.

Une révolution technologique en marche : quelles promesses ?

Imaginez un monde où les tâches répétitives disparaissent presque totalement, où les entreprises gagnent en efficacité et où les travailleurs peuvent se concentrer sur des activités plus complexes et gratifiantes. C’est précisément ce que promet l’essor de l’IA, et notamment de l’IA générative. Selon les travaux publiés dans le journal Le Monde de Philippe Aghion, Simon Bunel et Xavier Jaravel, cette technologie pourrait accélérer la productivité et stimuler la croissance économique, à condition qu’elle soit accompagnée par des politiques publiques intelligentes.

Deux leviers principaux sous-tendent cet optimisme : l’automatisation des tâches et la facilitation de l’innovation. Par exemple, dans une entreprise américaine de service client, l’utilisation d’un assistant IA a permis une augmentation de la productivité de 14 % dès le premier mois, pour atteindre 25 % après trois mois. Ces gains ne se limitent pas aux emplois peu qualifiés ; des professions comme celles de consultant ou d’avocat en bénéficient également. Mieux encore, ces outils semblent réduire les inégalités internes en aidant davantage les travailleurs initialement moins performants.

Sur le plan macroéconomique, l’impact de l’IA pourrait être encore plus impressionnant. Les estimations varient entre 0,8 et 1,3 point de pourcentage de croissance annuelle supplémentaire, selon une approche historique. Un autre modèle, basé sur les travaux de Daron Acemoglu, suggère une médiane de 0,68 point par an. Ces projections, bien qu’encourageantes, soulèvent toutefois des questions. Sont-elles réalistes dans un contexte où les marchés et les entreprises évoluent constamment ?

Une réalité plus nuancée : les limites de l’IA

Mais qu’arrive-t-il lorsque les promesses de l’IA rencontrent les contraintes du monde réel ? Automatiser des tâches n’équivaut pas nécessairement à créer de la valeur ajoutée. Prenons l’exemple d’un cabinet d’expertise comptable. L’IA peut effectivement libérer du temps en automatisant des processus répétitifs, mais cela suppose que ce temps puisse être réaffecté à des activités à plus forte valeur ajoutée, comme le conseil. Problème : si les clients ont eux-mêmes accès à des outils d’IA capables de fournir des conseils personnalisés, quelle est la véritable valeur apportée par un expert humain ?

De plus, former rapidement des professionnels à des tâches complexes est un défi colossal. Dans des secteurs comme la comptabilité ou le droit, où les bases en informatique et gestion des données ne sont pas toujours solides, l’adaptation à ces nouvelles technologies devient un véritable casse-tête. Ce fossé entre les travailleurs capables de s’adapter et ceux qui restent à la traîne risque d’accentuer les inégalités internes aux entreprises.

Autre biais à considérer : les prévisions macroéconomiques reposent souvent sur des hypothèses optimistes. Si seules les grandes entreprises profitent pleinement de l’IA, les PME pourraient être reléguées au second plan, limitant ainsi la création de valeur à grande échelle. Dans un tel scénario, les bénéfices de l’IA risquent d’être capturés par un petit nombre d’acteurs dominants, renforçant la concentration des richesses.

L’impact sur l’emploi : mythe ou réalité ?

L’idée selon laquelle les gains de productivité se traduisent automatiquement par une augmentation de l’emploi mérite d’être nuancée. Certes, une étude menée en France entre 2018 et 2020 a montré que l’adoption de l’IA est associée à une hausse de l’emploi total et des ventes. Cependant, cette dynamique varie considérablement selon les secteurs. Dans des domaines comme la sécurité numérique, l’IA stimule fortement l’emploi, tandis que dans les processus administratifs, son impact peut être plus mitigé.

Le véritable risque pour les travailleurs réside dans leur remplacement par d’autres travailleurs dans des entreprises qui adoptent l’IA, plutôt que par l’IA elle-même. Cela signifie que seules les entreprises capables d’intégrer rapidement ces technologies émergent renforcées, tandis que les autres sont évincées. Dans un tel contexte, la concurrence se joue principalement sur les prix, ce qui réduit les marges et limite l’impact réel des gains de productivité sur l’économie globale.

Vers une transition réussie : quelles solutions ?

Pour tirer pleinement parti de la révolution de l’IA, plusieurs leviers doivent être actionnés. Tout d’abord, il est crucial de promouvoir une politique de concurrence saine, afin d’éviter que les grandes entreprises ne monopolisent les bénéfices de l’IA. Ensuite, les PME doivent être soutenues dans l’adoption de ces technologies, par exemple grâce à des initiatives comme le Catapult Network au Royaume-Uni.

Enfin, l’investissement dans la formation et l’éducation est essentiel. Les programmes de formation doivent être adaptés aux besoins spécifiques des travailleurs, en tenant compte de leurs compétences de base. Sans cela, le risque est grand de voir se creuser un fossé entre ceux qui maîtrisent ces outils et ceux qui en sont exclus.

Une question qui vous interpelle : sommes-nous prêts pour cette révolution ?

Alors que l’IA transforme notre monde à une vitesse fulgurante, une question demeure : sommes-nous prêts à relever les défis qu’elle pose ? Comment assurer une transition équilibrée, où les bénéfices sont partagés équitablement ?

Note de l’auteur : Cet article est une analyse de la tribune publiée par Philippe Aghion, Simon Bunel et Xavier Jaravel dans Le Monde le 07 février 2025

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